Comment classer l’inclassable ?... Comment, dans notre drôle d’époque, faire
entrer dans une case, dans un format, une musique qui, par essence même, ne
cherche qu’à s’évader, à partir à l’aventure sans but précis - quoique ! -, à jumper
allègrement les frontières musicales afin de laisser libre court à l’imaginaire, à
l’inspiration ?... Comment, au milieu de tous ces sons qui s’uppercutent, ces
mélodies qui se clashent systématiquement, tracer un chemin différent sans
devenir une anomalie ?... Comment, tout simplement, rêver corps et âme à une
liberté totale qui permettrait d’aller là où nos pas nous portent, là où nos sens
nous transportent ?...
Autant de questions que, sans nul doute, Dub Silence s’est un jour ou l’autre
posé, lui qui, depuis ses débuts il y a un peu plus de cinq ans, évite consciencieu-
sement toutes les cases où l’on serait tenté de le poser, créant des morceaux où
hip-hop et reggae marchent de concert, où salsa et cumbia passent la tête au
travers de la porte pour faire souffler, de temps en temps, un petit air caliente
sur nos corps, où la chanson française s’invite en mode festif pour mieux nous
inciter à bouger et sourire. On a beau chercher, se creuser la tête, impossible
de leur coller une étiquette. Un instant, on pense ainsi les avoir trouvés en petits
frères éclairés de Sinsemilia et voila que, la seconde suivante, on les retrouve
délivrant un rap élégant et décalé, collant à l’air du temps sans pour autant
céder à la facilité des mots qui sonnent faux... Inutile de s’acharner, cette team
joyeuse d’amis musiciens sait y faire pour nous surprendre et nous embarquer,
quelle que soit la couleur choisie, dans leurs mélodies fraîches et entraînantes,
qui, à grands renforts de polyphonies et de créativité, s’imprègnent durablement
dans les esprits. Nul étonnement, donc, à ce que plusieurs de leurs vidéos
aient allègrement dépassé les 350000 vues chacune - sans aucune action autre
que virale faut-il le préciser ! - collant dans le même élan un franc et massif sou-
rire sur le visage de ceux qui les ont écoutées.
Enfants d’une génération de transition, ces sept-là savent bien que l’époque
n’est pas à l’optimisme béat, que l’amour et sa déclinaison couple ne sont plus
forcément des fleuves tranquilles, que l’obsession de la réussite, de la célébrité
à tout prix, génère des comportements de plus en plus fous ou immatures, et
que l’être humain ressemble de plus en plus à une anomalie létale pour son
environnement.
Mais peu importe car, entre profusion d’amour, innocente et débordante joie de
vivre, de partager, indéniable et profonde sincérité, décalage et second degré,
Dub Silence trace un sillon qui n’appartient qu’à lui, parcourt un chemin qui ne
connaît ni balises ni cadres préformatés, posant les bases, avec ce premier album
qui est tout sauf une «Anomalie», d’un univers à la croisée des routes, symbole
à lui seul de cette impérieuse nécessité que nous avons aujourd’hui de ne plus
cloisonner, de laisser nos cœurs s’ouvrir aux autres, de faire attention à cette
nature qui nous entoure et surtout, surtout, ne pas laisser s’installer le silence
car là où il y a de la musique, il y a de la vie !
